La dissertation est l’un des deux exercices proposés lors de l’épreuve écrite du bac de français, à la fin de l’année de Première. À la différence du commentaire, qui s’appuie sur un texte inconnu, elle sollicite une réflexion, de la part de l’élève, sur l’étude d’une œuvre littéraire analysée préalablement en classe (l’une des quatre œuvres intégrales étudiées dans l’année, voir la liste en bas de cette page). Mais attention, il ne s’agit pas d’une récitation de cours. Il faut organiser les points d’analyse dégagés en cours pour construire un point de vue argumenté, qui répond à une problématique.
Dans cet article, nous allons nous intéresser à la méthode pour réussir une dissertation de français, depuis l’analyse du sujet jusqu’à la rédaction de la conclusion. Ce guide t’aidera à structurer ta pensée et à réussir au mieux cet exercice.
1. Qu’est-ce qu’une dissertation littéraire ?
La dissertation en français consiste à répondre à une problématique, élaborée à partir d’une question fournie par le sujet. En d’autres termes, il ne faut pas répondre directement à la question du sujet, et c’est bien là la première difficulté de cet exercice. Par la suite, tu devras répondre à la problématique sous la forme d’une réflexion organisée, argumentée et illustrée d’exemples. Il ne s’agit donc en aucun de faire un résumé de l’œuvre intégrale ou du cours, ni de développer une opinion personnelle.
Exemples de sujets-types sur Manon Lescaut :
- « Pendant qu’il marche sans crainte dans les rues de Paris après son évasion, le Chevalier Des Grieux affirme : “Je trouvais de la joie dans cet exercice de ma liberté”. Cette phrase éclaire-t-elle votre lecture du roman de l’Abbé Prévost ? »
- « Le plaisir de lire Manon Lescaut ne tient-il qu’au récit d’une passion amoureuse ? »
- « Dans Manon Lescaut, est-ce parce que les personnages sont marginaux qu’ils sont romanesques ? »
2. Comprendre le sujet : l’analyse de la question
L’analyse de la question est une étape fondamentale. Un élève qui saute ce point risque de faire un hors-sujet.
➤ Comment faire ?
- Repérer les mots-clés : notions littéraires, verbes, termes importants.
- Définir les termes du sujet : que signifient-ils dans ce contexte ?
- Identifier l’implicite : y a-t-il une opposition ? Une hypothèse ?
- Formuler une problématique claire : elle oriente toute la dissertation.
Soit le sujet suivant : « Dans Manon Lescaut, est-ce parce que les personnages sont marginaux qu’ils sont romanesques ? ».
Les mots-clés sont : « (personnages) marginaux » et « romanesques ». Définir ces mots-clés ne veut pas dire donner leur définition telle qu’elle apparaîtrait dans le dictionnaire. Par ailleurs, tu remarques qu’ils sont présents dans l’intitulé du parcours associé à l’œuvre intégrale : « personnages en marge, plaisirs du romanesque ». Cela signifie que tu as étudié ces notions en classe et que tu les as mises en lien avec d’autres notions-clés de la leçon.
Dans le cas présent, l’idée de marginalité va de pair avec la morale (des personnages marginaux sont par définition immoraux), une morale que l’auteur veut faire voir au lecteur. En effet, dans l’ « Avis au lecteur », l’Abbé Prévost écrit à propos de son œuvre : « Outre le plaisir d’une lecture agréable, on y trouvera peu d’événements qui ne puissent servir à l’instruction des mœurs ». Le romanesque, quant à lui, renvoie au « plaisir d’une lecture agréable », c’est-à-dire une lecture qui retient l’attention du lecteur.
Ces deux dimensions étant mises en avant, il s’agit de bâtir une problématique. La question du sujet étant totale, on peut reprendre le même type de phrase interrogative. On remarque par ailleurs le lien de causalité (« parce que ») entre la morale et le divertissement. Il ne faudra pas l’oublier.
On peut donc imaginer la problématique suivante : « Dans Manon Lescaut, les personnages retiennent-ils l’attention du lecteur parce qu’ils donnent un enseignement moral ? »
Ce qu’il ne faut pas faire : reprendre, dans sa problématique, les mêmes mots que dans la question du sujet (« marginaux », « romanesques »). Si tu fais cela, tu as échoué à analyser le sujet.
3. Élaborer un plan : l’organisation logique
Une fois la problématique posée, il faut construire un plan détaillé, étape cruciale avant toute rédaction. Le plan doit en effet se rédiger au brouillon.
Les 2 grands types de plan possibles :
Le type de plan va dépendre de la forme de la problématique. S’il s’agit d’une question totale, on optera pour un plan dialectique. S’il s’agit d’une question partielle, il faudra utiliser un plan thématique.
1. Plan dialectique (thèse / antithèse / synthèse)
Il faut bien comprendre ce que signifie « thèse-antithèse-synthèse ». Il ne s’agit pas de prendre une position (« oui » ou « non ») dans un premier axe, et de dire tout son contraire dans le deuxième. Le premier axe repose bien sur une prise de position (« oui » ou « non », au choix). Puis, dans le deuxième axe, il faut montrer les limites de cette prise de position. Enfin, la synthèse consiste à envisager le problème sous un angle différent. On adopte une nouvelle approche, une nouvelle façon d’analyser le sujet.
Dans l’exemple donné ici (suggestion de plan) :
I/ Les comportements exemplaires des personnages suscitent l’intérêt du lecteur
1. La galerie des personnages et l’échiquier moral
L’auteur construit toute une galerie de personnages. Certains incarnent la vertu (Tiberge, le père de D.G.), d’autres la passion et le vice (Manon, le frère de Manon, M. de G.M. etc.). Sur cet échiquier moral, D.G. occupe une position médiane. La figure de l’éthopée (description des mœurs et du caractère des personnages) permet au lecteur de créer des repères moraux, de se positionner et ainsi de mieux recevoir l’enseignement transmis par l’œuvre.
2. Un roman d’analyse psychologique
Le récit est en focalisation interne : le lecteur assiste donc au conflit entre morale et passion qui déchire Des Grieux. On suit les hésitations et les tiraillements du personnage, ses tentatives de ne pas s’écarter du chemin vertueux qui est celui de son éducation etc.
3. La dimension tragique de l’œuvre
Le récit se pare des atours de la tragédie. La rencontre de Manon et D.G. semble commandée par le hasard (autre nom pour la Fortune ou le Destin), les personnages affrontent des obstacles tout au long du récit qui génèrent de la souffrance et Manon trouve la mort. Comme dans toute tragédie classique, le spectacle des malheurs et de l’échec des personnages propose un enseignement moral, ou du moins une réflexion morale.
Important : tes sous-parties ne sont pas interchangeables. Il faut toujours veiller à faire apparaître le fil conducteur de ta logique pour l’examinateur, au moyen de phrases de transition. Dans cet axe, on a pris comme point de départ la galerie de personnages, dans l’absolu, construite par l’auteur, pour ensuite se concentrer sur l’étude d’un seul d’entre eux, le personnage principal (Des Grieux) et souligner l’analyse psychologique que la focalisation interne permet. Enfin, on a élargi la perspective en s’intéressant à la tonalité globale du récit, qui se dégage à partir des mises en situation de ces personnages dans l’intrigue (mises en situation qui sont pilotées par une entité supérieure, le destin, et qui s’achèvent par des échecs, donc > tonalité tragique). Pense toujours à faire apparaître le lien logique qui connecte tes éléments.
II/ Les comportements des personnages ne sont pas seulement source d’enseignement, il sont aussi source de divertissement
1. Une intrigue amoureuse
Le récit relate avant toute chose une histoire d’amour entre deux jeunes gens. Une grande place est faite au lyrisme. Cela suscite l’intérêt du lecteur : on connaît la force de l’amour de D.G. ; Manon, en revanche, est plus mystérieuse. Aime-t-elle réellement D.G. ? Pourquoi le trahit-elle ? etc. Toutes ces questions retiennent l’attention, suscitent la curiosité du lecteur.
2. Un récit d’aventures
L’intérêt du lecteur est également piqué grâce aux nombreux rebondissements et péripéties : séparations, vols, emprisonnements, travestissements, déportations, séquestrations… Le schéma événementiel est riche. On se demande toujours ce qu’il va se passer. L’œuvre est un véritable objet de divertissement.
3. Un récit enchâssé
L’histoire du Chevalier D.G. et de Manon Lescaut est un récit enchâssé dans l’histoire du Marquis de Renoncour. Pour le lecteur, il s’agit d’une source de divertissement supplémentaire : le roman qu’il tient entre les mains propose différentes intrigues. Il y a un plaisir de nouveauté et de découverte.
III/ Manon Lescaut : un outil de réflexion sur la société des Lumières
1. Le témoignage d’une époque
Le cadre du récit est réaliste (Amiens, Paris, la Louisiane…) et la marginalité du personnage principal reflète les mutations d’une époque. Avec la fin de l’absolutisme (mort de Louis XIV en 1715), un relâchement des mœurs s’opère et le libertinage se développe (période de la Régence). Manon Lescaut nous renseigne sur l’ambiance d’une époque ; le texte a une valeur documentaire, bien qu’il ne faille pas perdre de vue qu’il s’agit d’une fiction. Il possède une touche picaresque : bien que D.G. ne soit pas de basse extraction, comme les picaros traditionnels, il pénètre différents milieux sociaux (la prostitution, les milieux du jeu, le milieu carcéral, celui des mercenaires…). Le récit est donc une source de connaissance.
2. Réflexion sur le statut de la femme dans la Société de l’Ancien Régime
Si Manon se prostitue, c’est parce qu’elle désire gagner de l’argent et mener un train de vie satisfaisant. En étant marginale, elle refuse de s’enfermer dans le cadre étroit qui délimitait le statut de la femme au XVIIIe siècle : une personne dépendante de l’homme, sans rôle actif politiquement et socialement. Manon est donc un personnage qui s’émancipe. Le récit est donc une source de réflexion.
2. Plan thématique
Le plan thématique consiste à analyser le sujet par aspects ou angles d’analyse. Chaque axe est une rubrique qui propose un élément de réponse thématique à la problématique.
Important : quel que soit le type de plan choisi, il faut toujours veiller à construire des axes et des paragraphes équilibrés. Mieux vaut faire une dissertation en deux axes avec des sous-parties bien fournies, qu’un plan en trois axes avec un axe vide, redondant ou pauvre en idées.
4. L’introduction : soigner l’entrée en matière
L’introduction doit préparer le lecteur à ta réflexion. Elle se compose de 4 parties :
Les 4 étapes de l’introduction :
- Accroche (ou amorce) : une phrase d’ouverture générale, qui met en avant des aspects littéraires ou culturels. Dans l’exemple ci-dessus, on a vu que l’on s’intéresse à deux dimensions de l’œuvre : plaire et instruire. Ces deux objectifs, placere et docere en latin, sont ceux de l’apologue : les Fables de La Fontaine, les Contes de Perrault, les Mille et une nuits etc. On pourra donc se servir de cet élément de cours pour ouvrir le travail. L’accroche repose toujours des éléments vus en cours.
- Restitution de la question du sujet et analyse des mots-clés : il faut recopier la question du sujet à l’identique et mettre en avant les mots-clés. Explique le lien qu’ils entretiennent avec les notions-clés étudiées en classe. On l’a fait plus haut, avec l’analyse des mots-clés « marginaux » et « romanesques », qui évoquent « retenir l’attention du lecteur » ou « divertissement », et « enseignement moral ».
- Formulation de la problématique : Il s’agit de proposer la question que l’on bâtit à partir de l’analyse des mots-clés. Cette problématique ne doit pas être trop longue et constitue une seule question.
- Annonce du plan : une ou deux phrases annoncent les titres des parties, en mettant en avant le lien logique qui existe entre eux.
5. Le développement : construire un raisonnement solide
Chaque partie du plan correspond à un grand paragraphe argumenté, composé de plusieurs sous-parties.
Structure d’un paragraphe :
- Idée directrice / titre de la sous-partie (claire et pertinente)
- Argument(s) : réflexion logique, en lien avec la problématique
- Exemples précis : citations, analyses d’extraits d’œuvres, références littéraires
- Mini-conclusion / transition : qui prépare la suite
Rappelle-toi : l’idée et l’argument sont des éléments généraux. L’exemple est un élement concret, un cas précis tiré de l’œuvre. Au brouillon, il est souvent plus facile de trouver un exemple et d’en induire un argument que l’inverse.
Tu dois mobiliser l’œuvre intégrale étudiée dans l’année, mais tu peux aussi, de façon ponctuelle, citer comme exemples les œuvres étudiées dans le cadre du parcours associé, ou comme lecture cursive.
Conseil : 1 idée doit correspondre à 1 paragraphe.
6. La conclusion : fermer la discussion
Elle résume l’essentiel de ta réflexion sans répéter l’introduction.
Les deux étapes de la conclusion :
- Bilan : il s’agit d’une réponse claire à la problématique, un bilan de l’analyse.
- Ouverture : il s’agit de clore le travail en posant une question complémentaire, qui ouvre de nouvelles perspectives ou pistes de réflexion. Dans l’exemple ci-dessus, on peut par exemple se demander : le romanesque naît-il uniquement de la transgression ? Ne peut-il pas constituer une illustration d’un idéal moral et sentimental ?
7. Les erreurs à éviter
Voici les pièges classiques à éviter dans une dissertation :
- Hors-sujet : reste toujours centré sur la problématique.
- Paraphrase du sujet sans réflexion personnelle, ou récitation du cours, sans organiser les idées de façon à ce que ton travail réponde à la problématique.
- Absence de plan clair ou déséquilibre entre les parties.
- Manque d’exemples précis
- Jugements personnels ou moraux non argumentés
- Langage familier ou approximatif
La dissertation est un exercice de rigueur, de culture et d’analyse : à aucun moment, on ne te demande de donner ton opinion.
8. Conseils pour progresser efficacement
- Fais des fiches sur chaque œuvre intégrale et parcours associé, en notant des passages, des citations qui pourront te servir comme exemples
- Lis des exemples de dissertations corrigées
- Entraîne-toi à rédiger des introductions et des plans
- Chronomètre-toi pour t’entraîner à écrire l’ensemble en 4 heures
- Fais appel à ton tuteur pour t’exercer sur des sujets blancs : réserve un cours ici.
La dissertation de français est une épreuve exigeante, mais parfaitement accessible à tous les élèves qui prennent le temps de maîtriser sa méthodologie. En suivant une structure rigoureuse, en développant une réflexion personnelle et en illustrant avec des références littéraires solides, tu pourras réussir cet exercice.
